Homélie du supérieur de la communauté à l’occasion d’une prise d’habit
Le plus visible de la cérémonie d’aujourd’hui, c’est votre prise d’habit. Mais le plus important, c’est le premier engagement dans la communauté. Vous le savez, l’habit de ne fait pas le moine ! Et il ne fait pas non plus le Missionnaire de la Miséricorde divine. La qualité d’un Missionnaire de la Miséricorde se juge à l’intérieur de son cœur et non à la coupe de son habit. Et donc seul Dieu peut en juger. Mais cet habit est signe que vous appartenez à notre communauté dans laquelle vous entrez réellement aujourd’hui. Et vous le recevez non pour faire « le beau », mais pour qu’il puisse vous rappeler, à chaque fois que vous le vêtirez, les raisons de votre engagement dans la communauté.
1. La cape rappelle le souci missionnaire
C’est le souci principal, inscrit dans le nom de la communauté. Il reprend la cape des Pères Blancs, grands missionnaires qui ont voulu que la foi chrétienne rayonne auprès des musulmans. Il reprend aussi le manteau protecteur de la Sainte Vierge. Nous l’invoquons comme Mère de Miséricorde, titre très proche de « Refuge des Pécheurs ». Et on la voit dans les représentations écartant son grand manteau pour que les hommes se réfugient sous son manteau. Cette cape est le rappel du zèle pour les âmes qui est cœur de notre vie de Missionnaire, et que le démon voudra sûrement affadir. Désirez, en ce jour, rester dans le zèle ardent de l’origine, en dépassant toujours la fatigue, comme le demande sainte Faustine : « Aide-moi, Seigneur, pour que mes pieds soient miséricordieux, pour me hâter au secours de mon prochain, en dominant ma propre fatigue et ma lassitude. Mon véritable repos est de rendre service à mon prochain ».
2. La soutane blanche rappelle la nécessaire sainteté du disciple
Vous avez déjà reçu un habit blanc, le jour de votre baptême. Ce jour-là, « vous avez revêtu le Christ » comme le dit saint Paul aux Colossiens et Il vous a purifié de vos péchés. Aujourd’hui, il faut renouveler ce désir de sainteté en laissant vivre le Christ en vous. Si le zèle est nécessaire, il n’est rien sans la sainteté personnelle qui vient de l’intimité avec le Christ : on évangélise en étant un instrument docile, « transparent de Dieu » pour reprendre le beau titre d’un ouvrage sur le saint Padre Pio. La soutane est un appel à vivre en plénitude l’idéal de sainteté de votre baptême, sainteté dont le monde a besoin, et qu’il réclame à juste titre de la part de tous les consacrés. Vous devez avoir un cœur saint non seulement pour vous mais pour votre témoignage de Missionnaire qui, plus que vos paroles, amènera des âmes à Dieu. Pour cela, je me permets deux conseils :
- Sainteté dans la chasteté : cette vertu si peu comprise et qui permet non seulement de vivre le célibat consacré, mais plus profondément d’être tout donné à tous, sans chercher à plaire, sans esprit de captation de l’affection des autres. Attention, car l’habit que vous portez est magnifique, mais il y aura un risque : celui d’attirer à vous, alors qu’il faut amener au Christ. Cultivez la chasteté qui fera de vous des séminaristes, puis des prêtres vraiment libres.
- Sainteté dans la charité fraternelle : « À ceci on reconnaitra que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres », dit Jésus à ses Apôtres. Comment prétendre être délicat, compatissant, dévoué avec les personnes qui sont loin de l’Église si on est dur entre frères de communauté. Vous êtes rentrés dans une communauté pour recevoir le soutien fraternel au service de la mission. N’oubliez pas qu’il faut peu à peu découvrir qu’on y reste non plus pour recevoir mais pour donner et exercer la charité.
3. La croix rappelle d’où vient la fécondité de la vie missionnaire
Pour être un Missionnaire rayonnant, il faut la sainteté de vie, la vertu éprouvée, mais il faut davantage : il faut le mystère de la croix, de la fécondité de la souffrance. Il vous faut vouloir entrer dans le mystère de la croix, jour après jour. Pas nécessairement chercher la difficulté et la souffrance − l’époque dans laquelle nous vivons est suffisamment inventive pour nous les proposer. Mais consentir à la croix, ce qu’on ne veut pas, quand on ne veut pas, le temps qu’on ne veut pas… C’est à ce prix que votre apostolat portera du fruit : par l’offrande intérieure de vous-même dans ce qui vous contrarie. « Il n’y a que la souffrance qui puisse enfanter des âmes à Jésus », écrivait sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Revêtir la croix, chaque matin, ce sera l’occasion, en l’embrassant, de décider de l’aimer. Comme instrument d’union au Christ. Mais encore plus comme instrument de mission.
4. La ceinture noire rappelle l’état séculier
N’est-ce qu’esthétique, pour casser la monotonie du blanc ? C’est donc l’appel que nous vivons dans le siècle, soumis à la tentation du monde. Et c’est par conséquent un appel à l’humilité. Nous ne sommes pas meilleurs, mais Miserando atque eligendo, choisis parce que pardonnés, comme le dit la belle devise du pape François. Notre fragilité n’est pas un obstacle à la mission, mais un tremplin si elle nous pousse à l’humilité qui seule attire infailliblement la miséricorde de Dieu. Elle permet de ne pas se mettre au dessus mais en dessous des autres, comme le premier « miséricordié ». On peut prendre sous cette cape car on a été pris sous le manteau du Christ.
Chers séminaristes, vous allez vivre une étape non pas encore décisive mais très importante dans votre chemin vers le sacerdoce. Mais je vous souhaite que cela soit une étape décisive dans votre chemin de sainteté. Que l’habit de la communauté fasse de vous des Missionnaires plus unis au Christ, donc plus rayonnants, donc plus féconds. Que la Vierge Marie, Notre Dame de la Miséricorde, vous prenne sous son manteau pour cela en ce jour.
Amen.
Abbé Jean-Raphaël DUBRULE