Jubilé - Porte Sainte - Rome 2025 - François

La tradition millénaire du jubilé, qui puise ses racines dans l’Ancien Testament, est bien plus qu’une simple commémoration. Institué pour rappeler au peuple de Dieu l’importance du pardon, de la rémission et de la réconciliation, il trouve aujourd’hui une continuité dans la vie de l’Église catholique : un temps fort pour revivre l’héritage spirituel offert par le Christ.

L’histoire sainte nous apprend que pour le peuple de Dieu les propriétés foncières étaient inaliénables. Les champs n’étaient pas de simples biens échangeables : chaque morceau de la Terre Sainte avait été attribué divinement à une tribu, à une famille, sous la conduite de Josué. Chaque homme juif avait sa part d’héritage, constituée par Dieu.

C’est pourquoi la Loi prescrivait que tous les cinquante ans, chaque homme réintègre gratuitement sa propriété sacrée, même s’il l’avait cédée ou vendue pour dettes. Les esclaves devaient être émancipés, la terre, laissée en repos ; c’est ce que Moïse nomme dans le livre du Lévitique un « jubilé, » une « année sainte. »

Lv 25, 10 : « Vous ferez de la cinquantième année une année sainte, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. Ce sera pour vous le jubilé : chacun de vous réintégrera sa propriété, chacun de vous retournera dans son clan. »

L’Ancienne Alliance était donc rythmée par des années de « rémission », des fêtes de pardon et de restitution publique, annoncées par des sonneries de trompettes. Ainsi, lorsque le Christ au début de son ministère, prêche dans la synagogue de Nazareth (Lc 4), il accomplit cette institution ancienne, selon la prophétie d’Isaïe (Is 61, 1-2) : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur, et un jour de vengeance pour notre Dieu, consoler tous ceux qui sont en deuil. »

Une continuité dans la vie de l’Église

Jésus se désigne comme celui qui vient annoncer une année jubilaire spéciale, un temps nouveau pour consoler les pauvres et libérer les captifs du péché. Le Christ nous remet nos dettes, il est notre rémission, il est notre jubilé spirituel !

Cette année de sainteté et de pardon n’est pas restée un idéal biblique : elle a été remise au goût du jour en plein Moyen Âge, sous une forme spéciale, pour répondre à un élan spirituel du peuple chrétien.

Dans les premiers jours de l’an 1300, le pape Boniface VIII – célèbre pour son conflit avec le roi Philippe le Bel – fut frappé par l’afflux exceptionnel de pèlerins à Rome. Il publia donc une « bulle », un document officiel, qui accorda à tous les pèlerins de l’année 1300 une indulgence plénière pour tous leurs péchés. Cette largesse, encore exceptionnelle à l’époque, devait se reproduire tous les cent ans, mais les successeurs de Boniface décidèrent de renouveler plus fréquemment les « années saintes » : pour que chaque génération puisse avoir une chance de participer à ce grand pèlerinage de pardon, un jubilé fut bientôt célébré à Rome tous les vingt-cinq ans.

Une symbolique bien établie

Aujourd’hui l’indulgence plénière est bien plus facile à obtenir, mais la bonne institution du jubilé a perduré. Il existe des jubilés ordinaires comme le jubilé de l’an 2000 institué par le pape saint Jean-Paul II ou des jubilés extraordinaires comme le jubilé de la miséricorde institué par le pape François en 2015.

Et voilà qu’en janvier qui arrive, janvier 2025, va s’ouvrir à Rome le vingt-septième jubilé de l’histoire de l’Église. Comme à l’époque du pape Boniface, on fête l’année sainte en se rendant en pèlerinage à Rome, pour y visiter les quatre grandes basiliques de la ville éternelle : Saint-Jean-de-Latran, Saint-Pierre, Saint-Paul-hors-les-murs, Sainte-Marie-majeure. Depuis plus de cinq cents ans, le début du jubilé est symbolisé par l’ouverture solennelle d’une porte spécialement préparée dans chacune de ces basiliques : une « porte sainte. » Cette porte représente le Christ, et on en franchit le seuil pour entrer dans le bon bercail, pour reposer son âme dans la maison de Dieu, pour saisir déjà sur terre un morceau de gloire et de bonheur divin.

Participer à un jubilé est un acte de foi et de pénitence. Le pèlerin des portes saintes mêle la puissance de l’absolu avec ses faiblesses humaines. L’amitié avec Dieu lui a fait entrevoir la grandeur de la sainteté mais lui a aussi montré la dérision des forces humaines : la confiance qu’il ne peut pas fonder sur sa propre volonté, il la pose en Dieu et il attend de la grâce qu’elle soit le premier moteur de son progrès spirituel. Ce qu’il désire renouveler dans sa vie quotidienne, dans sa famille, sur son lieu de travail, les péchés récurrents de ses confessions régulières, les défauts naturels de son caractère, il vient tout déposer à Rome. Sur le seuil de la première cathédrale, sur le tombeau de Pierre, dans la basilique de l’Apôtre Paul et dans la première église construite pour la Sainte Vierge, il vient demander des indulgences, il vient comme enfant de Dieu réclamer sa part d’héritage : non pas un lopin de terre d’Israël, mais une participation aux mérites des saints de la grande Église, non pas un avantage matériel, mais des dividendes de miséricorde et de vie céleste.

L’institution des années jubilaires nous rappelle aussi en quels temps nous vivons. Nous passerons bientôt en 2025, ou selon la vieille formule, « en l’an de grâce 2025. » Elle est désuète mais très juste : le temps a été marqué par l’incarnation du Christ. Pour nous repérer dans l’histoire, nous ne nous référons plus aux olympiades grecques ou aux consuls romains se succédant depuis la fondation de la ville ; mais nous nous souvenons que nous venons après le Christ, après le grand changement qu’Il a initié dans l’humanité par la réconciliation de la Croix. Nous vivons dans les temps qui sont les derniers : notre Sauveur a promis de revenir dans la gloire pour tout récapituler en lui, et cet accomplissement final se prépare patiemment mais sûrement, dans un délai où l’action divine est plus précise et plus insistante qu’aux temps précédents. Il est bon d’en noter les étapes, il est bon de rester attentif, il est bon de consacrer notre temps à Dieu. Prévoyez dès maintenant votre pèlerinage à Rome !

 

Par l’abbé Guillaume Le Gall, diacre

Publié dans , le 19 novembre 2024

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