
En 325, face aux divisions causées par la doctrine d’Arius, l’empereur Constantin convoque le premier concile œcuménique à Nicée. Plus de trois cents évêques de tout l’Empire se réunissent pour trancher la question de la nature du Christ et établir une doctrine commune. Ce rassemblement historique marque un tournant dans l’unité du christianisme.
Nous sommes en 318 après J.-C. À Alexandrie d’Égypte, le nombre des chrétiens est si important qu’une seule église ne suffit pas. Depuis quelque temps déjà, les évêques d’Alexandrie nomment des prêtres à la tête d’églises annexes, pour rendre les mystères divins accessibles au plus grand nombre de fidèles. Un de ces prêtres, ancêtres de nos actuels curés de paroisses, sort du lot. Il est grand et mince, instruit, séduisant et subtil dans ses discours, de mœurs austères, de noble maintien, très apprécié des femmes. Il s’appelle Arius.
Naissance de l’Arianisme
L’époque est aux recherches et aux disputes théologiques : les chrétiens instruits s’efforcent d’établir des passerelles entre la philosophie grecque et les enseignements de l’Évangile ; une des questions les plus difficiles est de lier ensemble l’unicité de Dieu et la Trinité. Comment croire au Père, au Fils et au Saint-Esprit sans diviser l’unique en trois dieux différents ? Comment confesser un seul Dieu sans confondre la Trinité ? La pensée chrétienne hésite encore sur le vocabulaire à employer en ce domaine et sur les équilibres conceptuels : quel rapport exact entre le Père et le Fils ? Comment interpréter de manière cohérente certains passages de l’Évangile qui semblent contradictoires ? Peut-on utiliser des termes absents des Écritures Saintes pour qualifier Dieu ? En cette année 318 donc, après avoir écouté une homélie d’Alexandre, son nouvel évêque, Arius s’insurgea. Influencé par les doctrines de Philon d’Alexandrie (philosophe juif de langue grecque) et de Lucien d’Antioche (martyr chrétien), notre prêtre théologien accusa son évêque de ne pas suffisamment distinguer les personnes de la Trinité. Pour Arius, le Fils de Dieu, le Verbe, la deuxième personne de la Trinité est une créature qui ne peut pas s’identifier avec le Père éternel. Ce Fils est bien le sauveur des hommes, le Christ premier né d’entre les morts qui doit tout juger au dernier jour, mais il demeure substantiellement différent de Dieu : il a été tiré du néant comme un ange et il y eut un temps où il n’était pas. Ainsi selon lui, on fait d’une part une véritable distinction entre les personnes de la Trinité et on préserve d’autre part la majesté sans origine, l’indivisibilité et l’immutabilité de Dieu, ramené à la seule personne du Père.
Cette doctrine est fermement combattue à Alexandrie, où le clergé, assemblé autour de son évêque, maintient contre Arius que le Fils n’est pas une créature, mais qu’il est réellement Dieu avec le Père. Arius résiste, refuse de se dédire et cherche du soutien auprès de ses amis, dont certains comptent parmi les évêques les plus influents d’alors : Eusèbe de Nicomédie par exemple, qui est très proche de la famille impériale. Pour faire valoir ses vues, notre prêtre égyptien compose un long poème, à la fois festif et théologique, qu’il appelle « Le Banquet » et qui sera largement diffusé ; il écrit aussi des chants populaires, pour les marins, les menuisiers ou les voyageurs, où il vulgarise ses enseignements. L’hérésie se propage et fait des adeptes zélés : bientôt de nombreux évêques se réclameront d’Arius, bientôt les manœuvres du port d’Antioche chanteront la doctrine arienne pour se donner du cœur à l’ouvrage.
Constantin convoque le premier concile œcuménique
Au même moment, l’Empire romain est de nouveau en proie à la guerre civile. Constantin, qui règne sur la partie occidentale de l’Empire, décide d’envahir avec son armée la partie orientale, gouvernée par Licinius. En 324, plusieurs batailles vont sceller le sort de Licinius et donner à Constantin un règne sans partage. Il veut désormais apaiser ses domaines et les unifier grâce à la foi chrétienne à laquelle il adhère, tout en restant cependant catéchumène… Mais entretemps, l’hérésie d’Arius a profité de ces troubles et dans plusieurs provinces d’Orient les chrétiens se divisent et s’excommunient les uns les autres dans des conciles locaux mouvementés. Après de vaines tentatives de conciliation, l’empereur se résout à convoquer, à ses frais et pour la première fois, un concile œcuménique universel, pour que tous les évêques du monde connu puissent se rassembler et statuer sur cette querelle à la lumière de l’Esprit saint. Au printemps de l’année 325 apr. J.-C., trois cent dix-huit évêques convergent donc à Nicée, ville d’Asie mineure, proche de la future capitale Constantinople. La plupart viennent d’Orient, mais on compte néanmoins quelques Occidentaux, accompagnés de deux envoyés du pape et du vieil Ossius de Cordoue, précieux conseiller de l’empereur. Plusieurs d’entre eux arrivent avec un œil crevé ou des mains brûlées, marques des persécutions subies encore récemment pour le Christ. Saint Spyridon, un berger devenu évêque et thaumaturge, et notre saint Nicolas de Smyrne sont aussi parmi eux.
Le Concile rassemble en réalité une foule plus nombreuse puisque chaque évêque est entouré de sa suite, de son clergé, de conseillers ou de fondés de pouvoir. On pense ainsi qu’Arius était présent en personne. Pour lui faire front, dans la suite d’Alexandre d’Alexandrie, un jeune diacre, promis à un grand rôle, va se distinguer au cours des conférences : d’une éloquence brillante, saint Athanase s’apprête à défendre pour son évêque la Trinité entendue dans un sens orthodoxe. Le concile de Nicée qui va s’ouvrir n’est pour lui qu’un prélude à de longs et pénibles combats doctrinaux…
La prochaine fois nous aborderons les actes du Concile, ses décisions et ses conséquences.
Une légende grecque rapporte une démonstration de la Trinité par saint Spyridon :
« Regarde, dit-il en sortant une tuile de sa poche. Si je te demande combien d’objets je tiens dans la main, tu me répondras : un seul. Et pourtant, voici la preuve que ce que tu crois être un ne l’est pas ». Faisant alors le signe de croix, il dit : « Au nom du Père » et à ces mots, à la stupéfaction générale une flamme s’élève, de la tuile qu’il garde dans sa main, vers le ciel ; la flamme qui avait cuit la tuile. Le saint, rempli de la grâce de Dieu, continue humblement : « Et du Fils » de l’eau s’échappe de la tuile et tombe à terre… « Et du Saint-Esprit ». Dans la main du saint, il ne reste plus que la terre. « Trois, dit-il, étaient les éléments qui composaient cette tuile et pourtant, ils ne faisaient qu’un. Ainsi en est-il de la Sainte Trinité ».
Par l’abbé Guillaume Le Gall