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La pratique des indulgences appartient à la Tradition de l’Eglise. Mais elle demande à être bien comprise pour être bien vécue, sans abus ni mépris. Quelques rappels sur un des trésors de la miséricorde.

L’enseignement de l’Eglise sur les indulgences est très mal compris. Certains chrétiens sont à l’affût de celles-ci pour « gagner des jours de purgatoire ». D’autres les méprisent comme le signe d’une spiritualité calculatrice. D’autres s’en servent pour attaquer l’Eglise qui les marchandait afin de construire ses églises. La grande majorité les ignore et vit sans en profiter.

Le Catéchisme de l’Eglise Catholique consacre pourtant neuf numéros à ce point de doctrine qui se trouve au confluent de plusieurs vérités importantes de la foi chrétienne : le sacrement de pénitence, la réparation des péchés, la communion des saints, le purgatoire et la médiation de l’Eglise. C’est pour cette raison qu’il semble important de mettre en valeur ce don de la miséricorde divine à l’homme.

Pardon et réparation

L’indulgence est donc bien distincte du pardon des péchés, qui est donné par Dieu dans le sacrement de confession à celui qui regrette sincèrement ses péchés. Le pardon restaure la relation entre Dieu et l’homme, détruite ou abîmée par le péché, mortel ou véniel.

Mais le péché n’abîme pas que cette relation ; il a aussi des conséquences temporelles, car il brise l’harmonie entre les hommes, entre l’homme et la création et, dans l’homme, entre l’âme et le corps. C’est visible par exemple dans le cas du meurtre où l’on voit les conséquences du péché. C’est moins visible mais tout autant réel dans le cas de la médisance, où le pardon donné dans la confession ne répare pas toutes les conséquences des actes mauvais posés.

Ces conséquences dues au péché, appelées peines temporelles, sont remises par la miséricorde de Dieu que l’homme accueille et à laquelle il coopère par des actes de charité. C’est pourquoi le Catéchisme dit : « Le chrétien doit s’efforcer, en supportant patiemment les souffrances et les épreuves de toutes sortes et, le jour venu, en faisant sereinement face à la mort, d’accepter comme une grâce ces peines temporelles du péché ; il doit s’appliquer, par les œuvres de miséricorde et de charité, ainsi que par la prière et les différentes pratiques de la pénitence, à se dépouiller complètement du « vieil homme » et à revêtir « l’homme nouveau » (cf. Ep 4,24) » (CEC 1472).

Comment réparer ?

Le premier moyen qui nous est donné pour réparer est la pénitence donnée en confession. Elle contribue non pas au pardon des péchés – seule la confession sincère et l’absolution reçue sont nécessaires pour être pardonnés – mais à la réparation des conséquences. Voilà pourquoi il n’est pas requis à la validité du sacrement que le prêtre donne une pénitence et on est vraiment pardonné de ses péchés dans ces cas-là. Mais cela appartient à l’intégrité du sacrement et il est alors légitime de demander une pénitence si le confesseur a oublié ou négligé de le faire. Comme tout pénitent peut en faire l’expérience, il y a très souvent une disproportion entre la pénitence donnée et les conséquences dues à notre péché. Cela se retrouve dans les indulgences. Cette pénitence ne répare cependant que partiellement les peines dues au péché.

Le deuxième moyen consiste dans tous les actes de charité, de miséricorde, toutes nos prières, ainsi que dans tous les actes par lesquels on peut unir nos souffrances à celles du Christ. La prière du chapelet de la miséricorde dit bien : « Je vous offre le Corps, le Sang, l’Ame et la Divinité de votre Fils bien-aimé Notre-Seigneur Jésus-Christ, en réparation de tous nos péchés et de ceux du monde entier ». La fin de la vie humaine et les souffrances qui accompagnent la vieillesse ou la maladie peuvent être profondément réparatrices si elles sont unies à la Passion du Christ.

Le troisième moyen de réparer, ce sont les indulgences. « L’indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l’action de l’Eglise, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints » (CEC 1471). En vertu de la communion des saints, c’est-à-dire de la même et unique charité qui relie tous ceux qui sont unis au Christ par la foi, il y a un échange des biens. « Ces biens spirituels de la communion des saints, nous les appelons aussi le trésor de l’Eglise, « qui n’est pas une somme de biens, ainsi qu’il en est des richesses matérielles accumulées au cours des siècles, mais qui est le prix infini et inépuisable qu’ont auprès de Dieu les expiations et les mérites du Christ Notre Seigneur, offerts pour que l’humanité soit libérée du péché et parvienne à la communion avec le Père. C’est dans le Christ, notre Rédempteur, que se trouvent en abondance les satisfactions et les mérites de sa rédemption (cf. He 7,23-25 9,11-28) » » (CEC 1476)

Par les indulgences, l’Eglise puise dans ce trésor afin de l’appliquer à ceux qui veulent en profiter. Mais comme il appartient au projet de Dieu que l’homme coopère à la rédemption, mérite par ses actes la grâce gratuite de Dieu, l’Eglise demande que le fidèle qui souhaite obtenir une indulgence pose un acte. Par l’indulgence, « l’Eglise ne veut pas seulement venir en aide à ce chrétien, mais aussi l’inciter à des œuvres de piété, de pénitence et de charité » (CEC 1478)

Les actes indulgenciés

Ces actes sont nombreux, et décrits avec précision dans le Manuel des indulgences, publié par la Pénitencerie apostolique en 2000 (1). Parmi ces actes, on peut noter par exemple, le fait de recevoir la bénédiction Urbi et Orbi du pape, de renouveler les promesses de son baptême le jour de la vigile pascale ou de visiter une basilique majeure de Rome en récitant un Credo et un Pater. Mais de manière beaucoup plus régulière, une indulgence plénière est accordée à celui qui visite le Saint-Sacrement pendant une demi-heure, lit la Sainte-Ecriture avec attention pendant une demi-heure, récite pieusement le chapelet avec plusieurs autres personnes. Il y en a donc de très ponctuels, mais certains peuvent être posés tous les jours.

Les indulgences plénières remettent la totalité de la peine due au péché. Les autres indulgences sont partielles, c’est-à-dire remettent une partie de cette peine. Pour ces indulgences partielles, l’Eglise parlait autrefois de « nombre de jours », indication qu’on peut retrouver dans certains missels ou certaines chapelles. Elle ne parle plus que d’indulgence partielle pour éviter que les fidèles croient qu’il s’agit de jours de purgatoire en moins et tombent ainsi dans une vision comptable de la grâce.

A quelles conditions recevoir l’indulgence ?

Il existe souvent un flou sur les conditions pour recevoir l’indulgence. Elles sont au nombre de cinq. La première, c’est de poser l’acte indulgencié, par exemple adorer le Saint-Sacrement une demi-heure et en ayant l’intention de recevoir ainsi l’indulgence. La deuxième est de communier le jour même. La troisième de prier aux intentions du pape le jour même. La quatrième de se confesser le jour même ou de l’avoir fait quelques jours avant – moins d’une semaine environ. La cinquième est le détachement du péché : c’est la condition la plus intérieure, dont on ne peut jamais être pleinement certain. C’est la plus importante, car c’est en désirant être brûlé dès ici-bas par le feu de l’amour de Dieu que la peine due à nos péchés peut être réparée. Concrètement, il peut être bon de réciter un acte d’abandon à Dieu, comme la prière du bienheureux Charles de Foucauld ou un acte de contrition, en désirant ne rien refuser à Dieu.

Pour qui réparer ?

On peut recevoir une indulgence pour soi-même ou pour un fidèle défunt, mais jamais pour une autre personne encore vivante, car on ne connait pas son désir de se détacher du péché, ce qui est le cas pour nous ou pour les âmes des défunts qui n’attendent que cela.

Les indulgences apparaissent donc comme un trésor qui a sa source dans le sacrifice du Christ et dont la répartition a été remise à l’Eglise. Faire une démarche pour obtenir une indulgence n’est donc pas un calcul mais un acte de confiance dans la Miséricorde de Dieu, libre de donner ses bienfaits comme elle le veut. Prier un chapelet dit en commun et avec toutes les conditions requises et en recevoir la rémission de toute la peine due à nos nombreux péchés peut paraître disproportionné et bien facile. Oui, c’est le cas, car toute la difficulté a été prise par le Christ dans sa passion. Puissions-nous profiter davantage de ce trésor pour nous et pour nos défunts

(1) L’ensemble des œuvres auxquelles sont liées des indulgences se trouve dans le Manuel des indulgences, Normes et concessions, ed. Letheielleux, Paris, 2000.

 

Publié dans le 10 octobre 2018

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