Force de reconstruction.
L’épisode du reniement de Pierre et celui, après la résurrection, de son triple acte d’amour à Jésus illustrent la force de l’amour divin qui nous reconstruit après nos fautes.
Quand Jésus apparaît à sainte Faustine et lui demande de peindre le tableau le représentant, Il est ressuscité. Ses stigmates sont apparents, Il montre les rayons qui partent de son cœur, Il apparaît victorieux de la mort.
Miséricorde infinie
Nous pouvons y voir le désir du Seigneur de rappeler que sa miséricorde non seulement pardonne, mais reconstruit, ressuscite ce qui avait été perdu. La personne qui se laisse toucher par la miséricorde vit déjà une résurrection intérieure, avant la résurrection corporelle qui aura lieu au Jugement dernier.
L’épisode du reniement de saint Pierre, relaté dans l’évangile selon saint Luc, et celui de son triple acte d’amour, après la résurrection que nous rapporte saint Jean, illustrent la force de reconstruction qu’est la miséricorde. En premier lieu, l’épisode du reniement souligne particulièrement la profondeur de la faute. Trois éléments le précisent. Il s’agit d’abord du reniement. « Celui qui aura rougi de moi et de mes paroles, de celui-là le Fils de l’homme rougira, lorsqu’il viendra dans sa gloire et dans celle du Père et des saints anges » (Lc 9, 26). Le Seigneur souligne par ces mots qu’un des plus beaux actes d’amour est de professer son nom. Et par conséquent qu’un des plus grands péchés est de renier ce même nom. Ensuite, ce reniement a été prophétisé : « Je te le dis, Pierre, le coq ne chantera pas aujourd’hui que tu n’aies, par trois fois, nié me connaître » (Lc 22, 34). Saint Pierre a donc été prévenu et mis en garde. Enfin, ce reniement fait suite à une promesse de saint Pierre, un engagement solennel. « Seigneur, je suis prêt à aller avec toi et en prison et à la mort ». (Lc 22, 33).
Le nom du Seigneur, acte d’amour
Tout est donc précisé pour souligner que le péché de saint Pierre était grave et a dû le briser intérieurement. C’est pourquoi saint Luc nous dit qu’il pleura amèrement : l’amertume de celui qui prend conscience de la profondeur du mal qu’il vient de commettre et de l’étendue des conséquences. Ces larmes d’amertume pourraient être seulement celles du remords et de la culpabilité. Mais saint Luc précise bien que ces larmes font suite à un regard de Jésus : « Et Jésus, se retournant, le regarda ». Le même regard qui s’est posé sur Zachée monté sur son arbre ou sur le jeune homme riche.
Les larmes du repentir
Le regard de la miséricorde n’enfonce pas, mais révèle au cœur de chacun sa faiblesse et sa petitesse, et en même temps sa dignité intacte d’enfant de Dieu. Les pleurs de saint Pierre sont donc déjà ceux du repentir qui ouvrent au pardon du Christ.
C’est pourquoi saint Pierre ne finit pas comme Judas : il va reprendre sa place avec les autres Apôtres. Et c’est dans ce contexte qu’a lieu le dialogue entre Jésus et saint Pierre sur les bords du lac de Tibériade. Si Jésus demande par trois fois à saint Pierre s’il l’aime, ce n’est pas qu’Il doute de sa réponse, mais c’est d’abord pour lui montrer que son triple reniement est réparé. Et par trois fois, Il le confirme dans sa mission : « Pais mes brebis », c’est-à-dire sois le guide de mon troupeau. Certes, saint Pierre est peiné, mais c’est la douleur heureuse de celui qui est pardonné, qui se souvient du mal qu’il a fait, mais comprend en même temps que l’offense est réparée. Le pardon donné par Dieu n’efface pas simplement l’offense, mais il recrée le pécheur dans toute sa dignité. Cet élément est spécialement mis en valeur dans la parabole de l’enfant prodigue, explication la plus lumineuse du mystère de la miséricorde. Après le retour de son fils, non seulement le père l’embrasse, mais il lui remet son anneau, signe de sa filiation, et il lui revêt le vêtement blanc, signe de son innocence retrouvée.
Saint Jean-Paul II le dit magnifiquement dans son encyclique sur la miséricorde : « La signification véritable et propre de la miséricorde ne consiste pas seulement dans le regard, fut-il le plus pénétrant et le plus chargé de compassion, tourné vers le mal moral, corporel ou matériel : la miséricorde se manifeste dans son aspect propre et véritable quand elle revalorise, quand elle promeut, et quand elle tire le bien de toutes les formes de mal qui existent dans le monde et dans l’Homme. » (Dives In Misericordia, n° 6)
Pardon de Dieu, dignité du pécheur
Il est important de bien comprendre que la miséricorde n’est pas un simple voile jeté sur notre malice, mais qu’elle nous reconstruit intérieurement, qu’elle nous justifie, qu’elle nous rend justes. Nous pouvons parfois penser que notre péché et notre indignité passée restent dans la mémoire de Dieu. Dieu nous verrait comme quelqu’un qui a trahi son amour. Il faut au contraire croire que le pardon donné par le Seigneur nous donne la possibilité réelle de dire en toute vérité au Seigneur : « Tu sais tout, tu sais bien que je t’aime. »