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Au programme d’Histoire-Géographie au collège, il y a l’étude de l’islam parmi les «trois grandes religions monothéistes». Bien souvent, on y enseigne que l’islam est une «religion du livre», au même titre que le judaïsme et le christianisme. Ainsi, les musulmans se référeraient-ils au Coran comme les juifs à la Torah ou les chrétiens à l’Évangile.

Cette affirmation s’avère être très superficielle. Il s’agit d’un raccourci pouvant conduire à une incompréhension sur la manière dont les chrétiens et les musulmans se positionnent respectivement vis-à-vis de leurs Écritures. Approfondissons

Le Coran, parole «incréée» de Dieu

Il n’y a pas lieu d’en douter, le Coran occupe une place centrale dans l’islam. Pour les musulmans, sa révélation est l’acte constitutif de leur religion et sa référence absolue. Pour eux, il est la transcription des messages que Dieu a transmis à Mahomet, le prophète de l’islam. Ces messages lui auraient été révélés par l’ange Gabriel (Djibril) et ses mots seraient ceux de Dieu Lui-même.

C’est ce qu’affirme le Coran, où à plusieurs endroits, il est question de cette «descente» qui est advenue d’un coup, au moment de l’appel prophétique de Mahomet, dénommé la Nuit d’Al-qadr. «Nous avons fait descende le Coran dans la nuit d’Al-qadr.
Qui te fera connaître ce que c’est que la nuit d’Al-qadr ? La nuit d’Al-qadr vaut plus que mille mois. Dans cette nuit, les anges et l’esprit descendent avec la permission de Dieu, portant ses ordres sur toutes choses. La paix accompagne cette nuit jusqu’au lever de l’aurore.» (sourate 97, Al-qadr)

Et ailleurs : «Par le livre clair! Nous l’avons fait descendre durant une nuit bénie, nous sommes, en vérité, celui qui avertit. Tout ordre sage est décrété en cette nuit.» (sourate 44, la Fumée)

Durant cette nuit, le Coran, qui jusqu’alors se trouvait au Ciel «écrit sur une table gardée» (sourate 85), est littéralement «descendu» sur Mahomet qui l’a ensuite communiqué par passages à ses fidèles, selon les circonstances. Le Coran ne serait donc pas une création de Mahomet, lui n’étant que le relais d’un texte qui lui a été dicté par Dieu, par l’entremise de l’ange Gabriel.

La notion de parole de Dieu dans l’islam se trouve donc «absolutisée». Le Coran n’est pas juste considéré comme un texte révélé, le texte serait purement et simplement la transcription littérale d’un Coran «incréé», c’est-à-dire existant de toute éternité auprès de Dieu, et qui est «descendu» sous la forme d’un Coran historique.

«L’Écriture primordiale est auprès de Dieu.» (sourate 13, le Tonnerre)

Cette conception de la révélation est essentielle pour comprendre l’islam. Si le Coran est descendu de cette manière, il est nécessairement exempt d’erreur. Il ne peut plus non plus être sujet d’interprétation critique ou historique.

La médiation dans la Révélation chrétienne

Quelque part, les programmes de 5e de l’Éducation nationale ont raison. Il existe un point commun entre les musulmans et nous, chrétiens. Aussi minime soit-il, soulignons-le. Nous croyons en effet qu’il existe un Verbe coéternel et consubstantiel à Dieu. Nous croyons également que sa Révélation est le sommet de toute Révélation. Néanmoins, nous ne saurions croire qu’Il se donne à connaître en un livre. Il l’a fait de manière beaucoup plus adaptée à l’homme : «Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1, 14). Le Christ, le Fils de Dieu fait homme, est la Parole unique, parfaite et indépassable du Père. «Dieu en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par son Fils» (He 1, 1-2). En se faisant homme par le Christ, Dieu dit tout, et il n’y aura pas d’autre parole que celle-là.

Alors oui, nous avons une Écriture sainte. Oui, nous considérons que Dieu en est l’auteur, qu’il a voulu révéler la vérité et qu’elle soit consignée dans des livres. Mais si Dieu est l’auteur des Écritures saintes, il a voulu l’être en inspirant les auteurs humains des livres sacrés.

«Pour cela, Dieu a choisi des hommes auxquels il eut recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens, pour que, lui-même agissant en eux et par eux, ils missent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son désir, et cela seulement» (Dei Verbum 11).

Autrement dit, nous considérons que le rédacteur du texte saint partage avec Dieu la fonction de coauteur. Dieu ne demande pas à l’auteur sacré de faire de l’écriture automatique ou du mot pour mot.

La foi chrétienne n’est donc pas une religion du livre, les Écritures saintes ne se suffisant pas à elles-mêmes. Elles ne sont qu’une
partie de la Révélation dont le Christ est le sommet :

«À travers toutes les paroles de l’Écriture Sainte, Dieu ne dit qu’une seule Parole, son Verbe unique en qui Il se dit tout entier.» (He 1, 1-3)

Abbé Vincent Marie-Jeanne

Publié dans , , le 22 mars 2022

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