Annie Laurent, écrivain, nous offre un ouvrage dont le titre L’Islam pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas) annonce un programme audacieux : faire connaître en substance l’Islam. La chose peut sembler impossible…
Il est aujourd’hui de bon ton de nuancer à l’infini, entre les différentes réalités que recouvre l’Islam, de distinguer entre spirituel, politique et culturel, textes sacrés et pratiques, pour en conclure qu’il n’y pas un Islam, mais une diversité indéfinissable et donc inconnaissable. Pourtant, notre auteur s’attelle à la tâche avec brio, mettant à jour les piliers sur lesquels repose l’islam, quelles que soient ses tendances.
Ce travail d’unification de la pensée se fait sans toutefois occulter les variantes, voire les contradictions, qui différencient le chiisme du sunnisme, ou encore qui séparent les grandes écoles sunnites. En résulte une vision claire, mais non pas simpliste de l’Islam, prenant « au sérieux ce qu’il dit de lui-même par ses représentants les plus autorisés » (p. 7).
Le deuxième défi relevé par l’auteur est de rendre accessibles à tous la connaissance et la parole sur l’Islam. Tous les mots clefs (fatouas, dhimmitude, charia, oulémas…), que nous avons l’habitude d’entendre, mais dont le sens est parfois vague ou même déformé par l’actualité, sont définis au fil du texte. Qui plus est, ce livre, qui se présente sous forme de recueil (des Petites Feuilles Vertes diffusées par l’association Clarifier fondée en 2009 autour de l’auteur pour éclairer les intelligences et aider l’Occident à répondre au défi de l’Islam), ne craint pas la répétition ce qui permet de mieux assimiler les concepts Une table analytique très complète autorise ainsi le lecteur à entrer dans
le livre directement là où son intérêt le porte, sans risque de n’y rien comprendre.
LE CORAN TRANSPIRE SON CONTEXTE
Si cet ouvrage peut prétendre ainsi à la connaissance de l’Islam et s’il en développe une pensée unifiée, c’est qu’il en tient la clé de compréhension : le dogme de la parole incréée. En effet, le cœur de tout ce système se situe dans la relation qui lie le musulman au Livre (Coran), dictée directe de Dieu, et au prophète dont la vie (Sîra) et les paroles (Sunna) en font le « beau modèle » pour tout croyant.
Cette relation au Coran qui est « un texte divin, absolu, valable pour tous les temps et tous les lieux » exclut toute analyse critique, modification ou interprétation innovatrice (ijtihad). Par conséquent elle permet tout ce que le Coran autorise (taqiya, polygamie…) et impose tout ce qu’il impose (dhimmitude, djihad…), sans qu’aucun magistère autorisé n’y puisse rien faire. L’auteur prend encore une fois l’Islam au sérieux, en décidant d’ouvrir le premier chapitre de son livre par une partie sur le « Coran incréé » plutôt que sur les conditions historiques de la naissance de l’Islam (notions distillées au fil du livre). Au sérieux en effet, car si le Coran est intemporel, le contexte ne saurait avoir une quelconque importance. Au sérieux, mais à contre-pied, puisque le Coran transpire son contexte, et Annie Laurent n’a de cesse de montrer que ce dogme est la source de tous les problèmes.
LE CORAN INTERROGÉ
La base ainsi posée de cette unité fondamentale de l’Islam, l’auteur expose les grandes divisions historico-spirituelles (chiisme/sunnisme, alaouitisme…) qui divisent la communauté musulmane (Oumma) ainsi que les mouvances islamistes qui la parcourent (Frères musulmans, salafistes, djihadistes…). Annie Laurent expose bien que « s’il ne faut pas réduire l’islam à ses seules manifestations extrémistes… [celles-ci] ne lui sont ni étrangères ni opposées », elles y sont en germes, dans ses textes. L’exemple de Mahomet et le contexte de violence de sa naissance en font un système incapable de séparer « religion, société et état » (p. 53). Partant de l’unité profonde des musulmans autour du Coran, et considérant les grandes entités qui se partagent le paysage politico-religieux de l’Oumma, l’auteur expose la doctrine musulmane à travers les grandes questions du djihad, de la démocratie, de la femme, du mariage et des religions. Ces thèmes sont autant d’occasions d’interroger l’Islam sur son rapport à l’arbitraire de Dieu, à l’individu, à la violence, à la sexualité, à la famille et à la liberté de conscience. Autant d’occasions, saisies, de rappeler la visionet la foi chrétienne dont nous voyons par contraste que nous ne pouvons pas les abdiquer par mollesse face à un Islam revendicateur.
Le mariage islamo-chrétien, qui cumule les problé-matiques « femme », « chrétien », « éducation des enfants » et « conjugalité », en est l’exemple le plus marquant et celui qui dans notre pays conduit à des drames de plus en plus nombreux (à ce sujet, on ne peut que recommander la lecture du témoignage de Maria S., Mariée à un musulman, éd. L’Œuvre, 2 012.).
PARLER DU CHRIST RELÈVE DE LA CHARITÉ
La fin de l’ouvrage invite le lecteur, avant qu’il ne prenne la parole sur l’Islam, à se mettre dans une disposition d’écoute, d’attention bienveillante et d’Amour. Tout d’abord, la longue expérience des chrétiens d’Orient et la situation dans laquelle les ont mis les prises de position idéologiques de nos élites nous invitent à être attentifs au message prophétique qu’ils nous adressent… Sont ensuite saluées (tout en reconnaissant leurs limites) les initiatives émanant des structures ou des personnalités qui visent à réformer l’Islam… Mais finalement le lecteur est directement interpellé : derrière l’Islam il y a le musulman, et à lui, comme à tout homme, il doit la Charité et son pendant : la Vérité. Ainsi nous sommes, tout au long de ce livre, invités à être de vrais chrétiens et témoins de notre foi, car c’est la seule réponse possible à l’Islam et c’est le plus grand service que nous puissions rendre aux musulmans.
Voici un livre à lire, qui se lit facilement, accessible et agréable, qui traite d’un sujet urgent et qui en traite bien… un livre à lire !
Édouard Jaumouillé