Reportage des abbés Matthieu Bévillard et Paul Trifault
Après des mois d’attente la nouvelle tombe enfin ! La canonisation de Charles de Foucauld aura lieu le dimanche 15 mai à Rome. Étant le saint patron de notre communauté (avec sainte Faustine!) la communauté se devait d’assister à cet évènement historique. Une fois la décision prise de nous y rendre tous ensemble, revient dans nos mémoires le souvenir des voyages épiques que nous avons faits par le passé dans la Ville éternelle. Cette édition est donc pleine de promesses et chacun se prépare à vivre un grand moment spirituel et communautaire.
C’est ainsi que le 14 mai nous partons en convoi, entassés dans les véhicules de communauté et accompagnés par quelques jeunes de Misericordia. Les abbés de Lyon nous rejoignent par avion et seuls les abbés Florent Molin et Monfort Gillet ne seront pas du voyage.
Le côté bohème du voyage se confirme quand nous prenons possession de nos dortoirs dans une au- berge de jeunesse de Rome proche de Sainte-Marie-Majeure. Après un rapide dîner « pasta » tous se couchent rapidement car le lendemain il faut se lever aux aurores pour filer place Saint-Pierre. Nous avons encore en mémoire la déconvenue de la béatification de saint Jean-Paul II. Arrivés pourtant dans les temps, nous n’avions pas pu dépasser la Via della Conciliazione prise d’assaut par une multitude de pèlerins et nous avions rebroussé chemin pour assister à la cérémonie à Saint-Louis-des-Français sur grand écran… Cette fois nous prenons le triple de précautions.
Une Église universelle
Enfin le grand jour! En prenant le métro ce dimanche 15 mai, nous avons tous le sentiment de vivre un moment spirituel historique et l’émotion nous prend quand nous arrivons sur la place Saint-Pierre, pris dans le flot de pèlerins sur le pied de guerre dès 7 heures du matin. Nous croisons nombre de Français venus pour le père de Foucauld mais aussi de belles délégations avignonnaises venues pour célébrer la canonisation de César de Bus ainsi que quelques groupes venus pour la canonisation de Marie Rivier. Il faut aussi compter sur les « supporters » des sept autres bien- heureux étrangers. Nous sommes d’ailleurs touchés par tant d’expressions de la sainteté dans des histoires humaines très différentes les unes des autres. Pour autant c’est surtout Charles de Foucauld qui nous réunit sur cette place.
Ce moment chacun l’a préparé personnellement, qui par une neuvaine au saint ermite du Hoggar, qui par la relecture de sa vie et de ses écrits, ou encore – pour les plus enfants d’entre nous – par la lecture des excellentes bandes dessinées retraçant sa vie. Nous avons ce désir profond de l’imiter dans sa révérence profonde envers le Saint Sacrement, célébré et adoré au milieu des incroyants. En adorant Jésus Eucharistie nous désirons tirer de lui les grâces nécessaires pour nous et pour le monde. Cela se manifeste aussi dans notre attachement au rit que le saint ermite a lui-même célébré et dont il s’est nourri. Loin d’être un frein dans la mission, la célébration de la sainte messe est un moteur pour l’annonce de l’Évangile. Nous désirons aussi prendre exemple sur son zèle missionnaire auprès des musulmans pour continuer d’annoncer le salut qui vient du Christ aux Nord-Africains que nous côtoyons maintenant dans nos quartiers en France. Il est clair que pour nous, le premier des missionnaires de la Miséricorde Divine, c’est saint Charles de Foucauld.
Au plus près, cette fois !
Arrivés sur la place Saint-Pierre, les prêtres se dirigent vers l’espace qui leur est attribué pour la concélébration autour du pape. Quatre d’entre nous, profitant d’un passe-droit inattendu, ont même pu s’approcher à une dizaine de mètres de l’autel pour être au plus près lors du Saint Sacrifice. Les séminaristes, quant à eux, ont le privilège d’être conduits sur la loggia (en haut des colonnades) d’où ils jouissent d’un point de vue imprenable sur le chœur. Lors du temps d’attente avant la messe ils font la rencontre de l’humoriste Gad Elmaleh, venu spécialement pour la canonisation, fasciné qu’il est par cette figure de sainteté et touché par le côté aventurier de Charles de Foucauld qui avait été le premier explorateur à cartographier son pays d’origine, le Maroc. Nous recroiserons d’ailleurs l’humoriste dans l’après-midi à la fontaine de Trévi. Il fait ce qu’il sait faire de mieux: nous faire rire, avec beaucoup d’émotion cependant quand il aborde son cheminement de foi. Nous lui proposons d’être le prochain à avoir son portrait accroché à la balustrade de la basilique saint Pierre. Il répond que la perspective de la sainteté le fascine tout en avouant que le chemin est encore long! Bientôt un saint Gad?
L’Église toujours debout
Pendant la cérémonie, nous sommes touchés par la liturgie qui laisse une grande place au chant grégorien et à la langue latine. Quoi de mieux en effet pour faire l’unité quand on canonise trois Français, un Indien, un Néerlandais, cinq Italiens ! Nous sommes aussi marqués par la proclamation en grec de l’Évangile par un diacre oriental à la voie puissante. Toutes les racines de l’Église remontent et nous touchent. Une canonisation, plus qu’une cérémonie, est une véritable manifestation visible de l’universalité de l’Église qui est sur la terre comme au Ciel. Au milieu de la crise qu’elle traverse, cette célébration est pour nous une grande grâce de consolation. Consolation de voir qu’en dépit des tempêtes qu’elle traverse, la barque de Saint-Pierre continue de voguer, avec son capitaine à bord.
Après une photo de groupe sur la place, un bon repas « pizza » dans un restaurant à proximité et une après-midi libre de visite ou de prière, nous nous retrouvons en fin d’après-midi en l’église Saint- Louis-des-Français. Là, nous faisons monter sous ses voûtes fleurdelisées, le chant des vêpres en actions de grâces.
Avant de repartir dans nos paroisses ou au séminaire, nous sommes accueillis dans la discrète petite église San Giuseppe a Capo le Case. Cette ancienne chapelle du premier carmel thérésien de Rome conserve en ses murs une relique particulière. En haut d’une réplique de la Scala Sancta, nous nous recueillons devant un morceau d’étoffe trempé du sang et de l’eau jaillis du côté ouvert du Christ. C’est donc avec ce beau cadeau que le Seigneur choisi d’achever notre excursion romaine. Car c’est bien au pied de la croix, quand le Maître y répandit les dernières gouttes de Son Précieux Sang, que la Miséricorde fut offerte à tous les hommes.
Saint Charles de Foucauld, priez pour nous !