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Trois semaines après la mort du père de Foucauld, on retrouve à quelques mètres de l’endroit où il a été tué, son pauvre ostensoir, avec l’hostie consacrée. Un simple ostensoir contenant Jésus-Eucharistie, jeté sur le côté pendant le pillage : voilà un résumé de la vie de saint Charles de Foucauld. Une vie d’adoration humble, pauvre et cachée, « imitant en tout Jésus à Nazareth et Jésus sur la croix », au service de l’apostolat !

Adoration et conformité au Christ

« Le Christ a tellement pris la dernière place que jamais personne n’a pu la lui ravir ». Cette phrase d’un sermon de l’abbé Huvelin, « si inviolablement gravée dans [son] âme », va conduire Charles de Foucauld à suivre Jésus, le « modèle unique », en imitant le pauvre de Bethléem, l’inconnu de Nazareth, le méprisé du calvaire. Animé toute sa vie par ce seul désir, imiter Jésus, il écrit le jour de sa mort : « Notre anéantissement est le moyen le plus puissant que nous ayons de nous unir à Jésus et de faire du bien aux âmes ». Cherchant alors à marcher sur ses pas dans la pauvreté et l’humilité d’une vie toute simple, la vie de Nazareth, il est successivement trappiste (1890-96), puis ermite en Terre Sainte (1897-99). Alors domestique chez les Clarisses à Nazareth, ses journées sont partagées entre les travaux manuels et l’adoration eucharistique de ce Dieu infiniment grand qui s’est incarné en un petit enfant et qui se donne à nous dans la sainte hostie. « Vous êtes, mon Seigneur Jésus, dans la sainte Eucharistie, vous êtes là, à un mètre de moi dans ce tabernacle ! Votre corps, votre âme, votre humanité, votre divinité, votre être tout entier est là, dans sa double nature ; que vous êtes près mon Dieu, mon sauveur, mon Jésus, mon frère, mon bien-aimé … » C’est dans l’adoration eucharistique que frère Charles contemple les vertus du seigneur : son humilité, sa pauvreté, sa petitesse, son don total. Ainsi, le 11 novembre 1897, devant le Saint-Sacrement, il rédige : « Je ne puis concevoir l’amour sans un besoin impérieux de conformité, de ressemblance et, surtout, de partage de toutes les peines, de toutes les difficultés, de toutes les duretés de la vie ». Imiter et faire la volonté de son « bien-aimé », telle est la règle de vie et la joie de ce fidèle adorateur de la sainte hostie.

L’adoration eucharistique est le repos, le rafraîchissement, la joie !

En adorant, nous répondons au premier commandement : « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras et à lui seul tu rendras un culte » (Mt 4, 10). Toute la vie de frère Charles est centrée sur Jésus-Hostie : adorer Dieu pour lui-même, par pure gratuité. À sa cousine Marie de Bondy, il écrit : « L’heure la mieux employée de notre vie est celle où nous aimons le plus Jésus. L’adoration eucharistique est le repos, le rafraîchissement, la joie ! ». Il a choisi « la meilleure part » (Luc 10,42) : la vie contemplative, la vie de prière qui se détache des réalités matérielles, pour n’être qu’à Dieu. Être là, à ses pieds, le contemplant sans cesse, l’écoutant, lui parlant, l’adorant. « Sainte Magdeleine n’était pas plus près de vous, assise à vos pieds à Béthanie, que je ne le suis au pied de cet autel ! (…) Que je suis heureux ! » Avant de devenir l’apôtre des apôtres, la première qui a annoncé Jésus ressuscité, sainte Marie-Madeleine – celle que saint Charles de Foucauld appelait « ma mère, ma Magdeleine » – a passé de longues heures aux pieds du maître pour l’écouter, l’aimer, le connaître ; de même, avant d’évangéliser les Touaregs par la parole et l’exemple, frère Charles restait des heures à contempler la petite hostie : « Quelle joie immense, mon Dieu. Passer plus de quinze heures en n’ayant rien d’autre à faire que de vous regarder et vous dire : « Seigneur, je vous aime !» Oh quelle douce joie ! (…) Je ne souffre en rien de cette solitude, je la trouve très douce : j’ai le Saint-Sacrement, le meilleur des amis à qui parler jour et nuit ».

Une vie eucharistique pour l’apostolat

Quelques mois avant de quitter la Trappe, frère Marie-Albéric, son nom en religion, finissait de rédiger la règle de la congrégation religieuse qu’il souhaitait tant, les Ermites du Sacré-Cœur. On peut y lire son double but : « imiter la vie de Notre-Seigneur à Nazareth » et « mener cette vie en pays infidèle ». C’est «par amour des hommes et dans l’espoir de leur faire du bien » qu’il se sent appelé à partir dans ces régions non évangélisées, pour faire rayonner la charité divine. Et, pour ce faire, il note comme moyen d’apostolat : « l’adoration du Saint-Sacrement ». Faire rayonner l’eucharistie, inonder ces contrées lointaines de la charité divine, féconder le monde par l’adoration silencieuse, voilà le cœur de sa mission. Une vie eucharistique pour l’apostolat ! « De son tabernacle, Jésus rayonnera sur ces contrées et attirera à lui des adorateurs … Ma présence fait-elle du bien ici ? Si elle n’en fait pas, la présence du Saint-Sacrement en fait certainement beaucoup : Jésus ne peut être en un lieu sans rayonner. » Il était convaincu qu’en adorant Jésus-Eucharistie, il contribuerait humblement à la sanctification du monde. Ordonné prêtre en 1901, il s’établit d’abord à Béni-Abbès, où il écrit : « Cœur sacré de Jésus, merci de ce premier tabernacle en pays touareg. Cœur sacré de Jésus, rayonnez au fond de ce tabernacle sur ce peuple qui vous adore sans vous connaître. Éclairez, dirigez, sauvez ces âmes que vous aimez. » Ainsi, toute sa vie fut animée par un désir : l’imitation la plus fidèle possible de son « bien-aimé ». Comment cette imitation, de plus en plus profonde, a-t-elle pu s’effectuer ? Comment a-t-elle été nourrie ? Par l’eucharistie, l’âme de son apostolat ! Puissions-nous nous mettre à son école, en ayant la certitude que notre adoration eucharistique est infiniment féconde aux yeux de Dieu, et qu’en l’adorant nous coopérons au salut du monde. Demandons à saint Charles de Foucauld, la grâce d’avoir ce même amour passionné pour Jésus-Hostie et de rayonner humblement de l’eucharistie, source et sommet de toute notre vie chrétienne.

Abbé Pierre-Albéric Oudinot

Publié dans , , le 15 mars 2024

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