messe

Malgré une doctrine qui n’a pas changé sur la question, le nombre d’intentions de messes demandées aux prêtres pour des intentions particulières diminue.
Rappel de quelques fondements.

Une coutume enracinée dans l’Ecriture

Judas Maccabée fit faire un sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu’ils fussent délivrés de leur péché (2 Mac 12, 45). Job offrait tous les jours un holocauste pour chacun de ses fils car il se disait : « Peut-être mes fils ont-ils péché et maudit Dieu dans leur cœur ! » (Jb 1, 4). La coutume d’offrir des sacrifices pour une intention particulière trouve déjà son fondement dans l’Ancien Testament. Plus qu’une coutume, c’est même une prescription de la loi de Moïse (Cf. Lévitique). Tous ces sacrifices de l’Ancienne Alliance trouvent leur achèvement dans l’unique Sacrifice du Christ. La messe qui rend présent le Sacrifice de la Croix (selon une certaine contemporanéité) récapitule tous les anciens sacrifices. C’est dorénavant cet unique Sacrifice que l’Eglise, corps mystique du Christ, offre à Dieu le Père pour toutes les intentions.

Pour qui et pourquoi donc faire célébrer des messes ?

Durant l’offertoire, nous disons offrir l’hostie sainte pour les fidèles chrétiens, aussi bien vivants que morts. La tradition demeure encore de faire célébrer des messes pour les défunts (au 3ème, au 7ème jour, au 30ème jour, au jour anniversaire de la mort et durant le mois de novembre). C’est un acte de charité envers les morts que de soulager (voire d’accélérer) leur peine par l’offrande spécifique d’une messe à leur intention. Souvenons-nous que si les âmes du purgatoire ne peuvent plus rien pour elles-mêmes, la mort les ayant fixées dans leur état, elles conservent en revanche la charité et peuvent agir pour les autres et donc pour nous !

Cependant, il ne faudrait pas occulter tous les autres motifs pour lesquels nous pouvons – et devons – faire célébrer des messes. Les quatre finalités de la messe nous rappellent toute la valeur du Sacrifice du Christ, Sacrifice auquel il convient de s’associer le plus parfaitement possible en adoptant tous les sentiments du Christ :
1/ la messe est un sacrifice latreutique, c’est-à-dire qu’elle remplit envers Dieu un devoir d’adoration.
2/ un sacrifice eucharistique : c’est une action de grâce pour tous les bienfaits divins.
3/ un sacrifice propitiatoire ou expiatoire : c’est par le sacrifice de la croix qu’est obtenue une fois pour toutes la rémission des péchés. La messe nous en applique les satisfactions.
4/ un sacrifice impétratoire : Jésus Christ sur l’autel est un médiateur qui intercède pour nous auprès de son Père.
Ainsi, faire célébrer des messes pour les défunts, c’est rentrer dans cette dimension du sacrifice propitiatoire. Notre ingratitude relative nous fait souvent oublier la dimension de louange, d’adoration, d’action de grâce, d’intercession. Pensons-nous par exemple à offrir des messes à l’occasion d’une naissance, d’un baptême, d’un mariage, d’une grâce obtenue, ou tout simplement pour la gloire de Dieu ?

Les fruits de la messe

Comprenons par là les avantages que nous pouvons retirer du sacrifice de la messe. La messe a pour effet de satisfaire pour nos péchés et d’implorer des grâces. Les fruits de la messe sont donc :
1/ un fruit de propitiation : la messe ne remet pas directement les péchés (comme le sacrement de pénitence) mais elle obtient à ceux qui sont bien disposés des grâces de conversion en suscitant dans leur cœur la contrition de leurs fautes. En revanche elle remet de manière immédiate (au moins partiellement) la peine temporelle due aux péchés déjà pardonnés.
2/ un fruit de grâces : la messe peut nous obtenir les faveurs que nous sollicitons de Dieu. Cet effet impétratoire est obtenu directement (par la vertu du sacrifice) mais non infailliblement car il en est de la messe comme de la prière : pour que son effet soit efficace, elle requiert certaines conditions de la part de celui qui demande et de l’objet que l’on demande, à savoir : l’état de grâce, l’attention, l’humilité, la confiance et la persévérance.

Valeur du sacrifice de la Messe, application des fruits

Si la messe, qui est le Sacrifice du Christ, a une valeur infinie, pourquoi réitérer ainsi leur célébration ? Une seule messe ne suffit-elle pas ? Cajetan, fidèle commentateur de saint Thomas d’Aquin, affirme avec force que la valeur de la Messe est infinie, mais que nous ne nous en emparons jamais que d’une manière finie (1).

Au point de vue de l’application des fruits, toute messe a un triple fruit :
1/ un fruit général qui s’applique à tous les hommes pour qui Jésus Christ est mort, et plus particulièrement à l’Eglise et aux fidèles qui sont présents et s’unissent à la prière du prêtre.
2/ un fruit très spécial qui est personnel au prêtre.
3/ un fruit spécial qui est appliqué par le prêtre à une ou plusieurs personnes déterminées par ce qu’on appelle l’intention de messe.
C’est sous le rapport de ce fruit spécial que le sacrifice de la messe peut être offert soit pour les vivants soit pour les défunts.

Conditions de l’efficacité requises de la part de ceux pour qui le sacrifice est offert.

Selon saint Thomas, la messe ne produit son effet qu’en ceux qui s’unissent à la passion du Christ par la foi et la charité et selon la dévotion de chacun (2). Faudrait-il donc avoir à l’avance foi, charité et dévotion pour bénéficier de la mort sacrificielle du Christ ? Non, bien sûr, car l’homme est par lui-même pécheur et ne devient juste et uni à Dieu que par grâce. Or nulle grâce n’est octroyée par Dieu qu’en vertu de la passion du Christ. Mais nulle œuvre de grâce ne s’accomplit en l’homme sans son consentement libre. Le sacrifice eucharistique obtient, pour les vivants à l’intention de qui il est offert, la grâce du salut (rémission de péchés, remise de la peine méritée, adoption des fils, vie éternelle…). Cette grâce pourtant n’est reçue que par celui qui l’accepte librement ; elle ne produit ses fruits qu’en celui qui n’y résiste pas, et plus ou moins, selon la mesure de sa docilité. Remarquons d’ailleurs que ce libre consentement, nécessaire à la réception de la grâce, est lui aussi causé par la grâce. Disons donc que le sacrifice eucharistique est offert pour tous les hommes, mais qu’il n’est pas efficace pour tous parce que certains refusent la grâce qu’il attire sur eux.

Quant à l’application du sacrifice de la messe aux défunts, elle ne peut valoir que pour ceux qui sont dans la grâce mais pas encore dans la gloire, c’est-à-dire les âmes du purgatoire. Les saints et les damnés ne peuvent en bénéficier, pas plus que les enfants morts sans baptême, voilà pourquoi l’Eglise les confie à la miséricorde de Dieu. Là encore, il n’y a pas d’efficacité automatique, car le sacrifice agit sur Dieu et fait appel à sa miséricorde, qui est assurée, mais qui ne s’exerce que selon la liberté divine.

Dispositions de ceux qui offrent le sacrifice

Considérée comme un acte du Christ, la messe a une valeur objective infinie, indépendamment de la ferveur des assistants et du prêtre. Considérée comme un acte de l’Eglise, sa valeur, c’est-à-dire son efficacité sacrificielle, est fonction :
1/ de la sainteté de l’Eglise dans le temps où se célèbre cette eucharistie considérée.
2/ de la ferveur, de la dévotion du prêtre et de la communauté liturgique.

Parce que le sacrifice de la messe a une valeur objective infinie, il appelle de la part de l’Eglise, et donc de la communauté liturgique en qui se concrétise l’Eglise, une participation la plus consciente, la plus fervente possible.
Faire célébrer des messes est donc une action qui procède de la charité. Elle témoigne de notre foi en sa valeur sacrificielle infinie, elle fait grandir la communion de saints par l’accroissement de la charité, elle soutient les prêtres par l’offrande qui leur est faite à cette occasion. Plus encore que cette aide matérielle, c’est un soutien spirituel qui replace le prêtre dans son rôle de médiateur puisque dans la célébration de la messe, il tient la place du Christ, seul grand prêtre, seul médiateur entre Dieu et l’homme

Abbé Eloi Gillet

(1) CAJETAN, De Missae celebratione, Rome, 1er décembre 1510, q. 2. Cité par C. JOURNET, La messe, présence du sacrifice de la Croix, Desclée, p. 172.
(2) Somme Théologique, IIIa, q.79, a.7

Publié dans le 10 octobre 2018

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